Maladies cardiovasculaires et alimentation ultra-transformée : les émulsifiants sur le banc des accusés

Fuente del artículo: radiofrance /Foto: Getty - Peter Dazeley /Autor: Alexandra Delbot

Les émulsifiants sont présents dans quantité d'aliments ultra-transformés comme les gâteaux industriels. ©Getty - Peter Dazeley

Les émulsifiants sont très présents dans les aliments ultra-transformés. Une nouvelle étude dévoile l'association entre ces additifs alimentaires et le risque de survenue de maladies cardiovasculaires.

On les retrouve dans énormément d’aliments, dans des crèmes glacées, les sauces industrielles, les gâteaux, les pâtisseries, biscuits, dans des céréales du petit-déjeuner ou encore dans certains plats préparés… parce qu’ils ont la capacité de mélanger ensemble deux éléments qui ne le ferait pas facilement et naturellement. Exemple le plus simple : dans une mayonnaise industrielle, l’huile ne se sépare pas du vinaigre… et c’est grâce aux émulsifiants.

La consommation d'émulsifiants associée à certaines pathologies

Ce qu’on savait jusqu’à maintenant, c'est que les aliments ultra-transformés contiennent la plupart du temps des additifs. Ensuite, que les émulsifiants font partie des additifs très utilisés et dernier point, que de plus en plus d’études, 75 au total, font le lien entre consommation d’aliments ultra-transformés et risque accru de développer certaines pathologies, diabète, obésité, maladies cardiovasculaires…

Seulement pour comprendre qui est le coupable, qui est la cause, impossible de mener un essai clinique. On ne peut pas "prendre" des êtres humains, les forcer à manger tel ou tel aliment et attendre patiemment pendant plusieurs années, plusieurs dizaines d’années qu’ils ou elles développent une pathologie. Alors, on réalise ce qu’on appelle des études observationnelles et la cohorte française qui s’occupe de cela, c’est NutriNet-Santé… Elle a permis la publication d’une nouvelle étude sur l’association entre émulsifiants et maladies cardiovasculaires.

Explications avec Mathilde Touvier, Directrice de l'Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle (EREN-CRESS), Inserm/Inrae/Cnam/Universités Sorbonne Paris Nord et Paris Cité et investigatrice principale de NutriNet-Santé :

« Alors, nous avons lancé l'étude NutriNet-Santé en 2009 et donc depuis cette date, nous enregistrons les consommations alimentaires de plus de 100.000 adultes de la population française. Les participants déclarent régulièrement tous les aliments, les boissons, les confiseries qu'ils ont consommées, allant même jusqu'à nous donner pour les aliments industriels la marque des produits consommés. Et ça, ça nous a permis de regarder finalement la composition. Pour un biscuit, on savait que ce n'était pas n'importe lequel, c'était tel ou tel biscuit et donc on pouvait avoir la composition en additifs de ces produits-là. Cela nous a permis d'avoir des mesures quantitatives des expositions aux émulsifiants dans cette population d'étude et après les participants sont suivis au fil du temps. Au départ, tout le monde est en bonne santé et certains vont développer au fil du suivi une pathologie, ici cardiovasculaire. Et donc on a pu mettre en relation le fait de consommer plus ou moins de ces émulsifiants avec le risque plus ou moins élevé de développer une maladie cardiovasculaire. »

Cela concerne à la fois les maladies coronariennes, comme les infarctus, et les maladies cérébro-vasculaires comme les AVC. Dans cette étude, la consommation de deux types d’émulsifiants est pointée du doigt : ceux à base de cellulose, notamment de carboxyméthyl cellulose et les mono et diglycéride d’acide gras.

Pas besoin de les supprimer totalement, limiter sa consommation suffit

Et ce risque est-il chiffré ? Est-il fort ou faible ? En réalité, le chiffre de ce sur-risque a assez peu d’importance — et il faut le dire d’emblée, il est beaucoup moins fort que le risque de cancer du poumon quand on est fumeur par exemple. Le problème, c'est l’addition de ces petits risques autour de l’alimentation ultra-transformée et donc la recommandation, c'est d’en limiter la consommation.

Mathilde Touvier : « On devrait éviter au maximum de consommer des aliments dits ultra-transformés qui contiennent des additifs cosmétiques, dont on n'a pas vraiment besoin pour la santé humaine, qui sont là pour améliorer la texture, le goût, la couleur, etc. En limitant ces consommations, on met toutes les chances dans notre santé pour prévenir le risque de maladies chroniques. Comme toujours en nutrition, pas d’interdiction formelle, ou très rare. Là, l’idée, ce n'est pas de supprimer tous ces aliments ou tous ces additifs, mais d'essayer autant que possible de plutôt cuisiner maison, de limiter les additifs dont on pourrait se passer et les aliments ultra-transformés. »

C’est la toute première étude à mettre en évidence cette association. Pour ce qui est du lien de causalité direct cette fois, des premières études chez l’animal et de courts essais chez l’humain montrent que certains émulsifiants comme le carboxyméthyl cellulose provoque une perturbation du microbiote et son inflammation. Et pour aider la recherche à accélérer sur ces questions — vous pouvez intégrer cette cohorte et devenir un nutrinaute, c’est à retrouver sur le site de NutriNet-Santé.