Cet additif alimentaire très utilisé par les industriels affecte notre microbiote intestinal
Fuente del artículo: Science & Vie / image: Shutterstock / Par: FLEUR BROSSEAU
Les additifs alimentaires sont présents dans les crèmes, les sauces et vinaigrettes prêtes à l’emploi, ou encore les glaces. Une nouvelle étude révèle que la gomme xanthae – ou E415 – utilisée régulièrement en tant qu’agent épaississant pour donner plus de consistance aux aliments modifie l’activité des bactéries intestinales, entraîne potentiellement une augmentation de l’apport calorique et serait un danger pour notre microbiote.
Les aliments transformés contiennent souvent des additifs alimentaires. Ces additifs sont destinés à rehausser leur arôme, améliorer leur texture et leur aspect, ou prolonger leur durée de conservation. Commercialisée depuis les années 1960, la gomme xanthane, ou E415, fait partie des nombreux additifs autorisés dans l’industrie alimentaire. Ce polysaccharide complexe résulte de l’action d’une bactérie, la Xanthomonas campestris. Cette dernière possède des propriétés rhéologiques uniques, qui font d’elle un excellent agent épaississant.
Jusqu’à présent, on savait peu de choses sur son interaction directe avec le microbiote intestinal. Pour rappel ce microbiote qui joue un rôle central dans la digestion d’autres polysaccharides issus des fibres alimentaires. Les scientifiques pensaient notamment que cet additif n’était pas du tout assimilé par l’organisme et donc notre microbiote. Mais ils avaient tort : une étude publiée dans la revue Nature Microbiology révèle aujourd’hui que les bactéries intestinales se sont adaptées pour pouvoir digérer cette substance.
Un additif alimentaire qui entraîne la formation d’une nouvelle chaîne alimentaire bactérienne et influence notre microbiote
La gomme xanthane est un type de glucide dont la structure chimique est différente de celles des glucides que le corps humain est habitué à consommer. Comme l’amidon, un glucide complexe que l’on retrouve dans les aliments végétaux (céréales, tubercules, fruits, etc.). À l’origine, notre organisme n’a donc pas les moyens de digérer cette substance.
« Nous avons été surpris de voir à quel point les bactéries intestinales humaines se sont adaptées à cet additif depuis son introduction dans l’alimentation moderne il y a seulement cinquante ans », a déclaré Sabina Leanti La Rosa, chercheuse à l’Université norvégienne pour les sciences de la vie et co-auteure de l’étude. La consommation de gomme xanthane n’entraîne aucun changement visible. Au fil des années, elle a entraîné de profonds changements génétiques parmi les bactéries qui peuplent notre microbiote. Des adaptations qui leur permettent de digérer cet additif.
Cette capacité semble reposer sur une seule bactérie en particulier, de la famille des Ruminococcaceae – une bactérie que l’on retrouve aujourd’hui dans le microbiote intestinal d’un grand nombre de personnes dans les pays industrialisés, soulignent les chercheurs. L’équipe a examiné en détail la façon dont cette espèce bactérienne digère la gomme xanthane. Au cours de leurs recherches, ils ont découvert qu’une autre espèce, nommée Bacteroides intestinalis, était elle aussi capable d’interagir avec l’additif.
Un effet cocktail pour le microbiote ?
En réalité, les deux espèces bactériennes agiraient de concert pour pouvoir l’assimiler : les molécules de xanthane sont relativement grosses (ce sont des polyosides ramifiés) ; une bactérie du type Ruminococcaceae « pré-digère » ces molécules en les découpant en petits fragments, avant de traiter les oligosaccharides libérés à l’aide d’enzymes supplémentaires. Chez certains individus, ces fragments sont à leur tour découpés et décomposés en plus petits morceaux par une bactérie de type Bacteroides intestinalis. Cette dernière est incapable de consommer la gomme xanthane polymère, mais possède une enzyme spécifique qui lui permet d’ingérer les tout petits fragments moléculaires.
L’innocuité des additifs alimentaires potentiellement remise en question
Cette étude montre que la consommation d’un additif introduit relativement récemment dans l’alimentation a pu influencer le microbiote intestinal humain. L’influence se fait en créant de nouvelles voies métaboliques soutenues par deux types de bactéries. Le phénomène ne concerne que les populations occidentales. Dans cette zone, les aliments transformés et les additifs constituent une part importante du régime alimentaire. « Nous ne voyons pas les mêmes changements chez les peuples autochtones de différentes parties du monde », souligne La Rosa.
Le problème est qu’en digérant la gomme xanthane, les bactéries la décompose en différents monosaccharides qui la constituent, et ces derniers sont ensuite fermentés pour produire des acides gras à chaîne courte pouvant être assimilés par l’organisme. Or, les acides gras à chaîne courte (aussi appelés acides gras volatils) sont connus pour fournir jusqu’à 10% de l’apport calorique et favorisent le stockage des graisses. Par conséquent, la consommation de gomme xanthane pourrait augmenter davantage l’apport calorique des individus.
Quel rôle pour l’organisme ?
Outre son rôle d’épaississant, la gomme xanthane est également utilisée comme substitut du gluten et est commercialisée comme complément alimentaire. Notamment pour les régimes cétogènes qui privilégient les lipides et impliquent très peu de glucides. Impossible à ce stade de savoir si et comment cet additif affecte notre santé globale. Cette étude permet simplement de conclure qu’il affecte le microbiote intestinal. Sa consommation est plus élevée au sein de certains groupes d’individus, en particulier les personnes souffrant d’intolérance au gluten. Les chercheurs soulignent aujourd’hui la nécessité de mieux comprendre les effets de cet additif sur le microbiote et la santé globale des individus.
Et ceci vaut non seulement pour la gomme xanthane, mais aussi pour tous les autres additifs. « Avec les progrès de la science du microbiome, nous voyons maintenant des effets que nous n’avions pas vus au début. Les autorités devraient peut-être prendre ces nouvelles connaissances en considération lors de l’évaluation des additifs alimentaires couramment utilisés », conclut la spécialiste.