Comment faire pour dépolluer son assiette ?

Source: Sante Magazine / image: Istock / conejota / Author: Caroline Henry

Les multiples molécules chimiques présentes dans notre environnement peuvent avoir des effets délétères sur nos organismes. Parmi ces mystérieux polluants, beaucoup sont cachés dans nos assiettes. Mais du supermarché au bout de la fourchette, des gestes simples permettent de limiter l’exposition.

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Comment bien sélectionner ses produits pour éviter les polluants ?

Bien choisir ses aliments permet de limiter la présence de pesticides dans notre alimentation. En cas de forte exposition, les polluants peuvent engendrer des problèmes de santé. Voici les conseils de nos experts pour bien sélectionner ses produits afin d'éviter le plus possible les polluants.

Acheter majoritairement non transformé

Additifs, ingrédients transformés, emballages... « Plus un aliment s’éloigne de ce qu’il était, plus il est susceptible de cumuler des substances toxiques», constate le Dr Laurent Chevallier. Mieux vaut privilégier les produits bruts : du blanc de poulet plutôt que des nuggets, du poisson plutôt que du surimi, un yaourt plutôt qu’un dessert lacté... 

Privilégier le bio

«L’agriculture bio interdit l’utilisation de pesticides de synthèse, dit François Veillerette, directeur de Générations Futures. Ainsi, même s’ils peuvent être contaminés par les cultures voisines ou lors du transport, les aliments bios restent largement plus sûrs.» Selon les dernières données de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, 88 % des fruits et des légumes bios sont exempts de résidus de pesticides, et le risque de contamination est plus faible de 30 % en moyenne par rapport à l'agriculture conventionnelle.

Un bon réflexe aussi pour éviter l'exposition aux pesticides avec le transformé: « En bio, moins de 50 additifs – surtout naturels – sont autorisés contre plus de 300 en conventionnel», souligne le Dr Chevallier. 

Réserver le conventionnel aux aliments les moins contaminés

Comme l’atteste le rapport 2019 de Générations Futures, tous les fruits et légumes ne sont pas logés à la même enseigne. En conventionnel, les fruits contiennent plus de résidus de pesticides que les légumes (66,7 % contre 45 %), avec de notables différences: «Les fruits les plus contaminés sont les cerises, agrumes, raisin, pêches, fraises, abricots et le moins les framboises, prunes, kiwis, précise François Veillerette.  «Côté légumes, les plus contaminés sont les céleris, herbes fraîches, laitues, poivrons, et le moins les asperges, betteraves, choux. » Pour les céréales, les résidus ayant tendance à se concentrer dans l'enveloppe du grain, on réserve le conventionnel aux raffinées (pain, pâtes... blancs) et on opte pour le bio si on prend du complet pour limiter l'exposition aux pesticides. 

Choisir certains labels

Comme le “zéro résidu de pesticides” du collectif Nouveaux Champs qui autorise certains pesticides lors de la culture mais garantit au consommateur l’absence de pesticides sur le fruit ou légume commercialisé, contrôles internes et externes à l’appui. « Le Label Rouge constitue aussi une alternative intéressante pour la farine car les grains sont stockés en silo ventilé sans pesticides », dit François Veillerette. 

Analyser la quantité d'additifs dans les aliments

Moins il y a en a, mieux c’est, mais sinon « pas plus de trois par produit, dit le Dr Chevallier. Ce réflexe arbitraire – tous les additifs ne sont pas à considérer de la même manière – évite la surexposition.» Au-delà de la dangerosité potentielle de certaines molécules, c’est la dose, le cumul (effet cocktail) et la fréquence d'exposition qui pourraient poser problème. On limite en particulier l’exposition aux nitrates ou aux nitrites qui, sous l’influence des bactéries du tube digestif, se transformeraient partiellement en nitrosamines, reconnues potentiellement cancérigènes, les sulfites potentiellement allergisants et l’acide benzoïque qui pourrait augmenter les troubles de l’attention chez l’enfant. 

Éviter certains contenants

Certains toxiques (phtalates, composés perfluorés...) peuvent migrer, à des concentrations variables, des emballages vers les aliments. « Le problème est que l’on connaît le plus souvent imparfaitement l’origine et la composition (colorants, antioxydants...) des plastiques et encore plus lorsqu’il s’agit de produits recyclés », regrette le Dr Chevallier. Dans le doute, on évite les produits préemballés dans des plastiques.

On privilégie le verre avec lequel il y a peu d’interactions et, pour les cartons, des revêtements intérieurs en polyéthylène neutre. Et on s’oriente vers les surgelés dont le froid empêche la migration des contaminants.

Comment enlever les pesticides et autres polluants des fruits et légumes ?

Les polluants et notamment les pesticides, se trouvent sur la peau des fruits et légumes. Voici les conseils de nos experts pour limiter le plus possible la présence de polluants sur les fruits et légumes.

Laver les fruits et légumes

« Bien que les pesticides soient formulés pour coller à la paroi des végétaux, les frotter à l’eau peut en éliminer une partie », explique l’expert. Un bain au bicarbonate de soude de 12 à 15 min (1 c. à c. pour 500 ml d’eau) suivi d’un brossage et d’un rinçage pouvait en enlever jusqu’à 96 %, grâce notamment à son effet alcalin, a rapporté une récente étude américaine. 

Faire tremper plusieurs heures les légumes secs dans plusieurs eaux additionnées de bicarbonate permet d’enlever une partie et d'éviter une exposition aux pesticides . Enfin, blanchir les fruits et légumes (les faire bouillir 2 min puis les passer sous l’eau glacée) pourrait aussi réduire de 50 % la quantité de résidus présents. 

Éplucher les aliments pour éviter les résidus

« Sans surprise, la peau est la partie la plus concentrée en pesticides, dit François Veillerette. L’ôter (ou enlever les premières feuilles des salades, choux...), ainsi qu’une partie de la chair en surface, peut réduire de moitié la quantité de résidus. » Même si, en faisant ainsi, on se prive d’une bonne partie des micronutriments qui se concentrent en général aussi sur la peau et juste en dessous, cela reste préférable pour les fruits et légumes les plus exposés à la présence de pesticides comme la pomme, la pêche et le poivron. 

Quelles précautions prendre à la cuisson pour limiter la pollution des aliments ?

La manière et la qualité des ustensiles que l'on utilise pour cuire les aliments ont un impact sur la présence de toxiques dans notre alimentation. Voici les conseils de nos experts pour éviter le plus possible la présence de polluants dans notre alimentation.

Réviser sa batterie de cuisine

Attention à la migration des polluants vers l’aliment lors de la préparation ! Même si les fabricants ont tendance à améliorer leur composition. 

On évite les poêles et casseroles à revêtement antiadhésif et on les jette si elles sont abîmées.

On se méfie des cuillères et des spatules en bois qui peuvent avoir été traitées. « Pour les poêles comme les ustensiles, l’inox est idéal, dit le Dr Chevallier. Pour certains usages, on peut aussi utiliser des terres non vernissées et la fonte. » 

Libérer les surgelés de leurs emballages

Pour éviter la migration potentielle de polluants du carton ou plastique vers l’aliment lors de la décongélation, soit on les cuit tout de suite (plats préparés...), soit on les change de contenant (verre, assiette...) pour les décongeler (pâtisseries, plats froids....). 

Transvaser avant de réchauffer

« Bien que les plastiques alimentaires puissent, a priori, supporter des températures allant jusqu’à 160 °C, mieux vaut réchauffer les aliments ou plats dans des contenants en verre ou entre deux assiettes, note le Dr Chevallier. On évite ainsi la migration potentielle d’éléments vers l’aliment. » 

Privilégier les cuissons douces

Cuisson vapeur, eau, étouffée, papillote… L’exposition à de très hautes températures (barbecue, grill, poêle très chaude, friture) génère la formation de composés néoformés potentiellement toxiques pour l'organisme, là aussi selon le degré d’exposition. « D’une façon générale, mieux vaut faire dorer les aliments plutôt que les griller (pain...) », indique le nutritionniste.

Limiter l'utilisation du barbecue pour préserver sa santé

Il est conseiller de faire un barbecue 2 fois par mois maximum, avec du bon matériel (barbecue vertical + charbon de bois épuré), en faisant mariner viande et poisson avant de les griller, en privilégiant les variétés maigres, en évitant leur contact avec la flamme et en ôtant les parties noircies. 

Quelles habitudes alimentaires adopter pour limiter la pollution de notre assiette ?

Modérer les poissons

Pour éviter l’exposition aux métaux lourds, on suit les recommandations de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) : on mange du poisson 2 fois par semaine, dont 1 fois de poisson gras (maquereau, sardine, saumon...), en variant les espèces. 

Privilégier les viandes maigres

“De nombreux polluants (dioxine, PCB – polychlo- robiphényles...) sont lipophiles, c'est-à-dire qu’ils se concentrent dans les graisses », explique le Dr Chevallier. Plus un morceau ou un animal est gras, plus il est susceptible de contenir des polluants. On préfère alors des blancs de volaille, du filet mignon de porc, du rumsteck et du steak haché à 5 % de MG, de l’escalope de veau... 

Pollution dans notre alimentation : un toxicologue répond à nos questions

Quel est l’impact des pesticides, métaux lourds, additifs sur notre santé ? Le Pr Robert Barouki, toxicologue directeur de recherche à l’Inserm nous éclaire sur les liens entre l’alimentation et les polluants et leurs effets sur notre santé. 

Comment se comportent les polluants une fois ingérés ?

La majorité est reconnue comme telle et un système de détoxication s’enclenche pour permettre leur élimination : on les reconnaît, on les transforme, on les évacue. Ainsi, beaucoup d’entre eux étant hydrophobes, ils sont rendus hydrophiles, c’est-à-dire solubles dans l’eau, et passent dans les urines. Mais certains échappent à cette détoxication et restent stockés dans le tissu adipeux ou dans d’autres ”compartiments“: dioxines, PCB, certains pesticides, composés perfluorés…

Quelles sont les conséquences dans le temps de l'utilisation de polluants dans notre alimentation ?

Leur impact n’est pas anodin. D’une part, même performante, la détoxication a un coût pour l’organisme (stress oxydatif, atteinte de l’ADN...), ce qui comporte un petit risque si on la sollicite trop souvent. D’autre part, les polluants stockés peuvent retourner dans le sang et circuler jusqu’à d’autres organes. Avec des risques augmentés pour des conséquences probables : cancers, troubles métaboliques (obésité, diabète...), atteintes neurodégénératives, maladies de l’immunité…

Certaines personnes sont-elles plus à risque ?

La femme enceinte doit faire attention car le fœtus ne dispose pas de système de protection et ses organes en formation sont vulnérables. Il faut aussi être plus vigilant durant l’enfance car certains contaminants sont des perturbateurs endocriniens. Les insuffisants hépatiques ou rénaux doivent aussi faire attention car leur système de détoxication est moins efficace. En général, nous devons tous réduire notre exposition aux polluants dont les conséquences à long terme demandent encore des recherches et dont certains sont probablement néfastes même à faible dose.