Gluten, lactose, Fodmaps...Les solutions pour gérer ces intolérances
Fuente del artículo: Ça m'intéresse / image: - / Par: Isabelle Delaleu, Nadège Cartier
Gluten, lactose, Fodmaps : les régimes “sans” font le buzz pour soulager divers maux de ventre et inconforts digestifs. Mais se priver est-il vraiment justifié ? Quand et pourquoi manger “sans”, et quels bénéfices en attendre ?
Fodmaps, des sucres mal digérés
Ventre plat au réveil, mais qui au fil de la journée (et des repas) gonfle et se remplit de gaz assez génants ? Les Fodmaps (pour Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides And Polyols) sont des sucres anodins et courants, mais qui sont chez certains pas ou mal digérés. Ils s’accumulent alors dans le côlon, y nourrissent les bactéries de fermentation, qui prolifèrent. Résultat, des douleurs, des fermentations excessives, génératrices de gaz, ballonnements… et donc d’inconfort ! Dans un système digestif “optimal”, les aliments qui en sont riches sont digérés sans difficultés, sauf s’ils en renferment vraiment en grande quantité (haricots secs), ou qu’on en mange beaucoup. Mais en cas d’intolérance, même une petite portion dérange… Et pas de chance, les Fodmaps sont très répandus : ils sont présents dans les céréales (dont le blé, même si le gluten n’en fait pas partie), les produits laitiers (c’est dire le lactose), les fruits secs (abricots, figues, dattes, pruneau, raisin sec) et fruits frais (melon, pêche et abricot, cerise, grenade, kiwi, mangue, pomme, prune, poire…), les légumineuses (lentilles, pois, haricots), les légumes fibres (poireau, ail, chalote, oignon, artichaut, topinambour, asperge, fenouil, algues, choux, poivron), le miel, et les polyols (faux sucres).
Identifier les Fodmaps non tolérés plutôt que de tout supprimer
Idéalement, la solution “théorique” serait donc de tout supprimer… Compliqué, et très pénible avec autant d’interdits. Mais en réalité, nul besoin de se contraindre à un régime “zéro Fodmaps”, encore moins à vie : on est rarement intolérant à tous ! Les spécialistes recommandent plutôt de réduire au maximum tous les Fodmaps pendant 4 à 6 semaines (progressivement, en commençant par les produits laitiers, puis les céréales, les fruits, les légumineuses…) et voir si les symptômes disparaissent. On les réintroduit ensuite doucement (au rythme d’un par semaine), pour voir quels sont ceux “qui passent bien” et ceux qu’on a vraiment du mal supporter, qui seront à éviter. Là encore, la tolérance est question personnelle : certains digèrent bien le melon mais mal les pommes, parfaitement l’artichaut mais pas du tout le poivron ou fenouil. On fait alors avec, ou sans !
Lactose, quand les produits laitiers sont à l'origine des troubles digestifs
Crampes et spasmes abdominaux, gaz et ballonnements, borborygmes, et même diarrhées : quand ces symptômes surviennent dès 30 min (et jusqu’ 2 h) après avoir consommé certains produits laitiers, on a peut-être un problème avec le lactose, ce sucre naturel du lait. Sur le plan médical, il ne s’agit pas d’une intolérance, mais en réalité d’une mal-digestion et d’une mal-absorption liées à un déficit de lactase, une enzyme fabriquée dans l’intestin grêle et chargée de dégrader le lactose en deux sucres simples (glucose et galactose) ensuite facilement absorbés par l’intestin. Le lactose, alors mal ou pas digéré, fermente dans les intestins puis dans le côlon, et produit ces troubles digestifs. On estime que 30 à 50 % des adultes ont une digestion incomplète du lactose, mais celle-ci peut également aussi apparaître chez l’enfant dès qu’il est sevré et débute sa diversification alimentaire. Pour s’en assurer, il suffit d’arrêter toute consommation de produits laitiers frais pendant 7 à 10 jours : si les symptômes disparaissent comme par magie (et reprennent quand on recommence en manger), c’est un défaut de lactase ! Un test permet de lever le doute : c’est le BHT (“Breath Hydrogen Test”). Il consiste à mesurer la quantité d’hydrogène expiré dans un embout, normalement proche de zéro, après ingestion de 10 à 50 g de lactose (200 à 300 ml de lait de vache), toutes les 30 min, pendant 2 à 4 h. En cas d’intolérance, la mauvaise digestion et la fermentation induiront une hyperproduction d’hydrogène : plus on en rejette, moins on digère le lactose.
Comment gérer l'intolérance au lactose ?
En pratique, la tolérance de chacun étant variable, rien n’oblige à arrêter tout produit laitier : il suffit d’adapter sa consommation à ses symptômes. On sait qu’un produit laitier utilisé dans une recette (comme du lait dans une pâte à crêpes) n’aura pas le même impact que s’il est consommé seul et à jeun. Seuls les produits non fermentés (lait, faisselle, fromage blanc, crème fraîche, crèmes glacées) en sont riches : on peut manger du beurre (le lactose est détruit lors de sa fabrication), et des yaourts (qui en contiennent moins et dont les bactéries facilitent la digestion du lactose) qui sont généralement bien supportés. Fan de lait ? On trouve du lait “délactosé ” (avec un ajout de lactase, donc en quelque sorte prédigéré ). Pour le plateau de fromages, c’est selon : plus ils sont affinés, moins ils contiennent de lactose. Gruyère et emmental, tommes, gouda et mimolette, parmesan, morbier, camembert, bleus, bries ne devraient pas poser de problème, au contraire des fromages frais de chèvre et de brebis type crottin, feta ou Sainte-Maure. Bon à savoir, manger sans lactose n’est donc pas synonyme de carence en calcium, même pour un enfant, d’autant qu’il existe d’autres sources (fruits, légumes, graines oléagineuses). Enfin, des comprimés de lactase (en vente libre), permettent de minimiser les effets désagréables des “craquages”.
Le sans gluten est-il vraiment justifié ?
La déferlante “noglu” (sans gluten) a emporté la France dès 2016… et on ne compte plus celles et ceux qui, du jour au lendemain, avaient fait une croix sur les pâtes et le pain, ou passaient au crible chaque plat au restaurant (“vous avez fait la béchamel avec de la farine de blé ?”). Une décision prise souvent pour raison de gonflements abdominaux et d’“allergie” (un terme en réalité inapproprié ) ce réseau de protéines (parfois présent comme “la colle des céréales”) présenté dans beaucoup de céréales (blé, orge, seigle, kamut, peautre, froment). Et pour l’industrie agroalimentaire, un business en or, qui a permis au “noglu” de passer du statut de niche (produit thérapeutique destiné à un public restreint) à celui de marché bien-être visant un public de masse, avec un chiffre d’affaires de 80 millions € en 2017… et 195 millions € en 2020.
La vraie intolérance au gluten, la maladie cœliaque
Une belle envolée… mais pas toujours justifiée ! Car supprimer totalement le gluten n’est une nécessité que pour les personnes diagnostiquées “malades cœliaques” : chez eux, la plus petite trace de gluten (de l’ordre d’une miette de pain) endommage les parois intestinales et provoque des troubles digestifs mais également extra-digestifs (douleurs articulaires, fatigue, ulcères, migraines). Cette intolérance est une maladie chronique d’origine auto-immune, dont le diagnostic exige une recherche d’anticorps spécifiques, suivie d’une biopsie de l’intestin grêle. Elle touche 1 à 3 % de la population, même si, selon l’Association Française des intolérants au gluten, ou AFDIAG, seulement 10 à 20 % des personnes concernées seraient diagnostiquées, parce qu’elles présentent des formes asymptomatiques ou des symptômes mineurs. Beaucoup d’entre elles traversent aussi une longue errance thérapeutique, ou sont d’abord traitées pour un syndrome de l’intestin irritable. Pour ces personnes, pas d’autre choix qu’un régime d’éviction à vie. En effet, les microvillosités de leur muqueuse intestinale s’abîment et s’atrophient suite à l’ingestion de gluten, ce qui réduit l’absorption des nutriments et provoque des carences en vitamines et minéraux mais peut aussi, sous des formes très évoluées, engendrer des troubles neurologiques, hépatiques ou biliaires, des syndromes hémorragiques… Manger sans “noglu” n’est alors pas une mode mais une nécessité exigeant la plus grande vigilance : le gluten se cache dans les produits céréaliers, mais aussi le chocolat, les charcuteries, glaces, épices, yaourts, bières, la moutarde, la sauce soja… Les aliments céréaliers garantis sans gluten sont repérables à un logo représentant un épi de blé barré. Ils sont partiellement pris en charge par l’Assurance maladie.
Et pour ceux qui ont une hypersensibilité au gluten non cœliaque ?
Mais à part ces malades cœliaques, pourquoi autant de consommateurs ont-ils décidé de manger “sans” ? Parce que, et c’est établi, il existe aussi une “hypersensibilité au gluten non cœliaque” (ou HSGNC), qui toucherait jusqu’à 15 % de la population : elle permet de consommer un peu ou modérément (la différence des malades cœliaques) de gluten, mais avec une dose personnelle à ne pas dépasser sous peine de subir un cortège de phénomènes digestifs proches de ceux du syndrome du côlon irritable (douleurs, ballonnements, alternance de constipation et diarrhée…) et extra-digestifs (nerveux, articulaires et cutanés, notamment). Chez ces “hypersensibles”, on ne retrouve pas les anticorps spécifiques de la maladie cœliaque, mais ils vivent clairement mieux “ dose réduite”, et décident généralement, souvent sans avis médical, de le limiter pour mieux vivre en paix avec leur ventre. On ne sait pas si l’hypersensibilité au gluten est une forme “latente” de maladie cœliaque, ou un type de syndrome de l’intestin irritable… ou encore un phénomène lié à l’augmentation de la perméabilité intestinale, favorisant l’inflammation, voire, une modification de la flore intestinale.
Notre consommation s’est en effet fortement accrue, notamment parce que les blés en contiennent beaucoup plus qu’autrefois et que le gluten utilisé désormais en boulangerie industrielle contient des protéines plus grosses, et moins digestibles. De plus, le gluten est saupoudré dans les aliments industriels (il est souvent utilisé comme liant, sans limite réglementaire car il n’est pas considéré comme un additif ! Tenter de baisser sa consommation lorsque l’on a un ventre à “ problèmes” semble donc légitime : réduire les pains, viennoiseries et biscuits (surtout industriels), remplacer plus souvent les pâtes par du riz ou du quinoa ne posera pas de problème…à condition de ne pas privilégier les aliments “sans”, mais 100 % industriels.
> Le régime Fodmaps pour les hypersensibles, du Dr Pierre Nys, endocrinologue-nutritionniste, éd. Leduc, mai 2021, 18 €.