Mais que se passe-t-il dans notre cerveau pour que nous soyons si attirés par les aliments gras et sucrés ?

Fuente del artículo: sudouest /image: pxhere / Par: Alexandra Tauziac

La photo vous donne envie ? Normal, en la voyant, votre cerveau libère de la dopamine. © Crédit photo : pxhere

Les fêtes de fin d’année approchent. Et avec elle, les traditionnels repas accompagnés de leur cortège de plats gras et de sucreries. Mais pourquoi donc sommes-nous si attirés par ce type d’aliments ?

Si manger est une fonction essentielle, à l’inverse d’autres, comme la respiration, qui se déroule en continu et principalement indépendamment de notre volonté, s’alimenter est une activité régulière mais ponctuelle, que nous avons l’impression de contrôler consciemment et qui est susceptible de nous procurer du plaisir. Bref, se nourrir n’est pas qu’une affaire de digestion, d’intestin, d’estomac… C’est aussi celle du cerveau. Et c’est bien de lui que vient notre attirance pour les aliments gras et sucrés notamment.

Dans une étude publiée en novembre 2023 dans la revue « Journal of Neuroscience », des scientifiques ont démontré qu’une zone située dans le cerveau réagissait à la texture des aliments gras et sucrés. Pour ce faire, ils ont préparé des milk-shakes plus ou moins riches et les ont testés sur des langues de porc pour évaluer l’épaisseur et l’onctuosité de leur texture en bouche, en fonction de leur teneur en graisses et de sucres. Ils ont ensuite fait goûter ces milk-shakes à des volontaires en leur demandant d’attribuer des notes en fonction de leurs préférences.

Une « récompense » pour notre cerveau

Sans surprise, les participants ont avoué un sérieux penchant pour les préparations les plus riches. Et cette préférence se manifeste très concrètement dans le cerveau, puisque les scanners cérébraux des volontaires ont démontré que lors des dégustations, de la dopamine était libérée et qu’une activité se déclenchait dans une zone du cerveau appelée « cortex orbitofrontal », le siège de notre système dit « de récompense ».

Sachant que celui-ci fait intervenir trois éléments, à commencer par l’apprentissage : « C’est classiquement l’expérience du chien de Pavlov. Vous voyez du chocolat, et avant même de l’avoir goûté, votre cerveau libère de la dopamine car il a appris qu’il aimait cela », résume dans le « Journal du CNRS » Serge Luquet, responsable de l’équipe Contrôle central du comportement alimentaire et de la dépense énergétique, au sein de l‘unité de Biologie fonctionnelle et adaptative. Viennent ensuite le plaisir (de manger du chocolat), puis le désir, ce dernier pouvant être dissocié du plaisir. On peut très bien ne pas avoir « envie » de chocolat après en avoir déjà mangé, ce qui ne gâche en rien le plaisir qu’on a eu à le manger.

En clair, si on salive en pensant aux repas de fêtes à venir, c’est parce que notre cerveau libère de la dopamine en pensant au cortège de plats riches et/ou sucrés qui nous attendent. C’est biologique.

Plus on en mange, plus on en veut

Problème. Contrairement aux idées reçues, la dopamine n’est pas juste ce que l’on appelle « la molécule du plaisir ». Si sa libération est bien associée à l’assouvissement d’un besoin ou d’un désir, la dopamine nous encourage également à répéter les comportements qui nous procurent du plaisir, explique l’Inserm. Une expérience culinaire qui va entraîner la libération de dopamine, agira donc comme « un renforçateur positif » et conditionnera les futurs repas. En clair, plus on mange des « aliments plaisir », plus on a envie d’en manger.

D’autant que la nourriture que nous ingérons est conçue pour nous faire libérer de la dopamine et nous sembler irrésistible. À l’origine, les humains cuisinaient à partir d’aliments entiers. Mais les aliments ultra-transformés par l’industrie sont composés de substances extraites et concentrées, comme les amidons et les graisses hydrogénées, mais aussi d’additifs comme les arômes artificiels, les émulsifiants et les stabilisateurs, qui jouent sur leur texture et les rendent plus attrayants, retournant notre biologie contre nous.

Or face à ces aliments contre nature, « aucune pression évolutive n’a eu le temps d’apprendre au cerveau à limiter » notre prise de sucre ou de gras, explique Martine Cador, responsable de l’équipe AddicTeam à l’Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine. Que ce soit pour le sucre ou le gras, aujourd’hui, notre cerveau ne semble plus totalement adapté à notre environnement alimentaire.

Addict au gras et au sucre ?

Et c’est là que l’on prend le risque de dérégler la machine. Car si la dopamine est associée au plaisir, tout indique qu’elle participe aussi à un phénomène très déplaisant : l’addiction. De là à parler d’addiction au gras et au sucre, il n’y a qu’un pas que franchissent certains chercheurs. Les premières études sur les effets neurobiologiques du sucre, au début des années 2000, ont notamment montré « qu’une consommation chronique de sucre chez le rat entraîne un état proche de la dépendance, avec des signes cliniques de sevrage à l’arrêt, comme de l’anxiété, des diarrhées ou les dents qui grincent », raconte Serge Ahmed, responsable de l’équipe Prise de décision pathologique dans l’addiction, au Neurocampus de Bordeaux.

Il faut certes raison garder. Selon deux études menées sur le sujet, le sucre augmenterait les niveaux de dopamine de 135 à 140 %, et le gras de 160 %, bien que l’effet prenne plus de temps à se manifester dans le cas de ce dernier. Ces niveaux d’augmentation sont de l’ordre de ceux que l’on observe dans les cas de la nicotine et de l’alcool, mais ils sont en revanche bien moindres que ceux des drogues. « La cocaïne va multiplier par 1 000 ou 2 000 % la libération de dopamine dans le cerveau », selon Martine Cador, qui ajoute que « les cinétiques d’activation sont tout de même très différentes », le sucre et le gras restant une récompense naturelle.

Sans compter que tout le monde n’est pas susceptible de devenir dépendant au sucre et au gras. « Parmi tous ceux qui consomment de la cocaïne, 15 % vont être accros. Pour le sucre cette proportion est entre 5 et 10 % », avance par exemple Serge Ahmed.

Reste que lorsque le système de récompense du cerveau est déréglé par une consommation excessive de gras et de sucres, les troubles alimentaires peuvent guetter. On peut notamment voir apparaître une désensibilisation des neurones à la dopamine, ce qui altère les capacités à générer une récompense cérébrale et entraîne en retour une prise alimentaire excessive pour compenser cette perte de plaisir.