Aliments trop gras, trop sucrés, trop salés: des experts s’en prennent à la publicité
la source: Le Figaro / image: soupstock - Fotolia / Auteur: Cécile Thibert
Mandatés par les autorités sanitaires, dix scientifiques recommandent d’interdire la publicité pour certains aliments aux heures où les enfants sont le plus devant la télévision.
«Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour», «évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé», «pratiquez une activité physique régulière»...Tout le monde a déjà lu, vu ou entendu ces mises en garde au moins une fois depuis leur apparition en 2004. Mais avec le temps, il semble que l’impact de ces messages sanitaires se soit émoussé. L’«épidémie» d’obésité, elle, ne cesse de s’étendre: selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 27% des adultes pourraient être obèses en France à l’horizon 2030, contre 15% actuellement (7 millions).
Que faire pour endiguer ce phénomène? Selon un groupe de chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), il faut commencer par «restreindre les actions de marketing pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle auxquels sont exposés les enfants». Par exemple en interdisant les publicités télévisées pour certains produits alimentaires durant les moments de la journée où les enfants sont devant la télévision. «Les enfants sont particulièrement sensibles à la publicité, explique Didier Courbet, professeur en sciences de la communication à l’université d’Aix-Marseille et coauteur du rapport. Et bien souvent, ils conservent leurs habitudes alimentaires jusqu’à l’âge adulte».
Restreindre la publicité sur internet
À la demande de l’agence sanitaire Santé publique France, 10 experts en psychologie, management, communication ou ingénierie des aliments ont passé au peigne fin la littérature scientifique sur les comportements nutritionnels. Le fruit de leur travail commencé en 2013 vient d’être publié sous la forme d’un rapport de plus de 400 pages.
Les scientifiques y déplorent notamment que «la loi laisse aux entreprises la possibilité d’étendre leur marketing à d’autres supports de communication» comme les réseaux sociaux, et demandent que la réglementation concernant la publicité soit appliquée de la même manière pour ces supports. «Les enfants sont de plus en plus sur les réseaux sociaux, ils sont exposés à des publicités qui ne présentent aucun message sanitaire», souligne Didier Courbet. Enfin, les experts demandent l’interdiction de la promotion de ces produits par des personnalités médiatiques (sportif, chanteur,...).
Observatoire indépendant
Le groupe d’experts préconise également une refonte complète des messages sanitaires actuels, tant sur le fond que la forme. «Les messages doivent être parfaitement lisibles, notamment en diminuant l’ambiguïté des notions telles que «activité régulière» (que veut dire régulière?), «trop gras» ou «trop sucré» (qu’est-ce trop gras ou trop sucré?)», explique le communiqué de l’Inserm.
Plutôt qu’un bandeau, les scientifiques suggèrent que les messages sanitaires soient placés en plein écran en début et/ou en fin de publicité car «selon la littérature scientifique, la première et la dernière information perçues sont généralement plus facilement mémorisées à long terme». Les experts recommandent également une taille minimale (au moins 7% de la surface de la publicité), une couleur de fond contrastée, un placement variable pour «éviter l’habituation» et un changement régulier des mentions pour «inciter à lire les bandeaux et éviter l’habituation, voire la saturation».
Enfin, les experts réclament la création d’un observatoire indépendant, afin que «les pratiques de marketing respectent les directives mises en place par la France» et insistent sur l’importance de «pré-tester toutes les stratégies de communication envisagées (...)» afin de «mesurer l’impact sur les comportements». «Ces évaluations devront être réalisées et analysées de façon transparente par des équipes compétentes et indépendantes de l’industrie agroalimentaire», précise Didier Courbet.